DROIT FAMILIAL

12

La protection
de la jeunesse

Principales dispositions légales applicables :

  • Au niveau international : la Convention internationale relative aux droits de l’enfant du 20 novembre 1989
  • Au niveau fédéral : la loi du 8 avril 1965 relative à la protection de la jeunesse, à la prise en charge des mineurs ayant commis un fait qualifié infraction et à la réparation du dommage causé par ce fait
  • A Bruxelles : l’ordonnance du 29 avril 2004 de la Commission communautaire de la Région de Bruxelles-Capitale relative à l’aide à la jeunesse
  • En Communauté française : le décret du conseil de la Communauté française du 4 mars 1991 relatif à l’aide à la jeunesse et le décret du 18 janvier 2018 portant le code de la prévention, de l’aide et de la protection de la jeunesse (code Madrane), qui remplace le décret du 4 mars 1991 relatif à l’aide à la jeunesse mais n’est que partiellement entré en vigueur
  • En Communauté flamande : le décret du conseil de la Communauté flamande du 19 juillet 2002 relatif à l’aide intégrale à la jeunesse

Le tribunal de la jeunesse (section du tribunal de première instance) peut prendre des mesures de garde et d’éducation vis-à-vis :

  • des mineurs ayant commis un fait qualifié infraction,
  • des mineurs en danger.

Dans le cadre de cette compétence, le tribunal de la jeunesse peut aussi être amené à prononcer une déchéance de l’autorité parentale.

12.1

La compétence territoriale

La compétence territoriale du tribunal de la jeunesse est déterminée par la résidence des personnes qui exercent l’autorité parentale ou, en cas d’exercice conjoint par des personnes séparées, par la résidence de celle chez qui le jeune réside habituellement.

12.2

La compétence protectionnelle

a / Les règles applicables

Au XIXème siècle, l’enfant en danger ou délinquant voit son sort réglé par le Code pénal.

Des mesures plus sociales à l’égard de ces jeunes apparaissent au début du XXème siècle.

La loi du 8 avril 1965 va consacrer les évolutions observées depuis le début du siècle : l’enfant doit être considéré comme un sujet de droit, bénéficiant d’un statut social et juridique particulier, répondant à ses besoins propres.

L’enfant en danger est celui dont la santé, la sécurité, la moralité ou les conditions d’éducation sont compromises, soit par son propre comportement, soit par la/les personne(s) qui en a/ont la garde.

Des mesures peuvent être prises à l’égard de l’enfant mais aussi à l’égard des parents :

  • soit dans un cadre social : mission confiée au comité de protection de la jeunesse dans le cadre de l’aide sollicitée ou consentie,
  • soit dans un cadre judiciaire : le juge peut imposer des mesures aux enfants ou aux parents. Ces mesures contraignantes sont de la compétence des cours et tribunaux.

" La loi organise
la protection du mineur
en danger "

Le maintien en famille et l’aide sollicitée ou consentie doivent être la priorité. Le recours à l’aide contrainte doit rester l’exception.

Le secteur de la protection de la jeunesse a évolué au gré de nombreuses réformes institutionnelles. Ainsi, chaque communauté a légiféré en la matière par voie de décret.

Le secteur de la protection de la jeunesse a évolué au gré de nombreuses réformes institutionnelles. Ainsi, chaque communauté a légiféré en la matière par voie de décret.

La communautarisation résultant des lois de réforme institutionnelles des 8 août 1980 et 8 août 1988 a pour conséquence que les cours et tribunaux partagent leur intervention au profit des mineurs en danger avec les conseillers et directeurs de l’aide à la jeunesse.

Ces réformes ont entraîné une transformation profonde de la loi du 8 avril 1965, qui a été amputée de tout son volet Protection sociale et, dans son volet Protection judiciaire, ainsi que de toutes les dispositions organisant l’aide contrainte concernant les mineurs en danger.

En conséquence, les autres dispositions de la loi de 1965 devaient également être revues, notamment le dispositif qui était organisé pour le traitement des mineurs délinquants.

La réforme de 2006 a modifié les dispositions de la loi relatives à la protection de la jeunesse pour les mineurs ayant commis un fait qualifié infraction.

L’objectif de cette législation était présenté comme suit :

« La réponse à la délinquance doit, notamment, mettre l’accent sur la responsabilisation du jeune et la prise en compte des droits de la victime. Le présent projet de loi entend consacrer une approche restauratrice de la délinquance juvénile. En outre certains comportements délictueux dangereux peuvent trouver leur origine dans le contexte familial. Des dispositions doivent être prises à l’égard des parents afin de les mener à une responsabilisation pleine et entière ».

Dans ce système, il n’y a pas de modèle de base : les intervenants (juge et autres) doivent prendre en compte toute une série de critères pour choisir la mesure la plus adéquate au cas d’espèce.

Le système est pragmatique et favorise les impératifs des gestionnaires.

Le nouveau Code de la prévention de l’aide à la jeunesse et de la protection de la jeunesse, remplaçant le décret du 4 mars 1991 relatif à l’aide à la jeunesse, a été voté dans la lignée de la sixième réforme de l’Etat.

Avec ce nouveau code, le législateur a voulu rencontrer différents objectifs :

  • renforcer la politique de la prévention en faveur des jeunes et de leur famille,
  • améliorer les règles applicables en matière d’aide consentie et d’aide contrainte aux jeunes en difficulté et en danger,
  • exercer la nouvelle compétence de la Communauté française à l’égard des jeunes ayant commis un fait qualifié infraction (qui deviennent les mineurs en conflit) avant l’âge de 18 ans.

Ce code est partiellement entré en vigueur le 1er janvier 2019 et le 1er mai 2019.

Actuellement, toutes les dispositions coexistent et il est donc fondamental de les considérer dans leur ensemble pour appréhender cette matière. 

b / Le déroulement d’une procédure

1 / Quand le mineur a commis un fait qualifié infraction (mineur en conflit avec la loi)

Quand un mineur est appréhendé par la police, le procureur du Roi peut :

  • classer le dossier sans suite ;
  • admonester le jeune ;
  • lui proposer une médiation (le jeune ou la victime peut refuser. Si l’accord de médiation est réalisé, le procureur du Roi constatera l’extinction des poursuites) ;
  • saisir le tribunal de la jeunesse (le parquet a le monopole de la saisine du juge ou tribunal de la jeunesse. En cas de saisine, le parquet mène l’information sur le fait qualifié infraction).

 

Lorsque le juge de la jeunesse est saisi, s’ouvre une phase préparatoire de six mois pendant laquelle le magistrat peut :

  • faire procéder à des investigations dans le milieu de vie du jeune ;
  • prendre des mesures provisoires, telles que : la surveillance du service de protection judiciaire, une prestation d’intérêt général de 30h, la participation à un module de formation ou de sensibilisation, l’accompagnement ou la guidance, le maintien dans le milieu de vie sous condition, l’éloignement du milieu de vie. 

 Une offre restauratrice peut toujours être proposée et la faisabilité du projet écrit du jeune sera examinée pendant cette phase.

 

L’éloignement du milieu de vie signifie que le jeune peut être confié à :

  • un membre de sa famille et de ses familiers,
  • un accueillant familial,
  • un établissement approprié en vue de son éducation ou de son traitement,
  • une institution publique (IPPJ), soit en régime ouvert, soit sous certaines conditions, en régime fermé.

A l’issue de cette phase préparatoire, le dossier du mineur est ensuite fixé en audience publique.

Lors de cette audience, le parquet convoque le jeune de plus de 12 ans, son avocat, le jeune de moins de 12 ans représenté par son avocat, les parents, leur avocat s’ils en ont un, et la victime. Après un débat contradictoire, le tribunal de la jeunesse statue sur les faits à charge du jeune et éventuellement sur les montants réclamés par la victime. Le juge prononce alors une mesure de garde ou d’éducation.

 

Le juge doit tenir compte des facteurs suivants pour prendre sa décision :

  • l’intérêt du jeune ;
  • sa personnalité et son degré de maturité ;
  • son milieu de vie ;
  • la gravité des faits, leur répétition et leur ancienneté, les circonstances dans lesquelles ils ont été commis, les dommages et les conséquences pour la victime ;
  • les mesures antérieures prises à l’égard du jeune et son comportement durant l’exécution de celles-ci ;
  • la sécurité publique. 

Les mesures qui peuvent être prises sont presque identiques à celles prévues lors de la phase préparatoire :

  • surveillance du service de protection judiciaire ;
  • accomplissement d’une prestation d’intérêt général de 150h au plus ;
  • accompagnement ou guidance ;
  • maintien dans le milieu de vie sous condition ;
  • éloignement du milieu de vie dans le respect d’une certaine hiérarchie.

Le tribunal de la jeunesse peut, en outre, réprimander le jeune, ce qu’il ne peut faire au stade de la phase provisoire.

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Les offres restauratrices, la médiation, la concertation restauratrice en groupe et la rédaction d’un projet écrit de la part du jeune peuvent aussi être validées par le tribunal de la jeunesse à l’issue de la phase de jugement et constituer une alternative aux mesures prises par le magistrat.

Enfin, le juge de la jeunesse peut se dessaisir du dossier et le renvoyer vers une chambre spécialisée du tribunal correctionnel si il estime que les mesures protectionnelles sont inadéquates pour un mineur qui a commis un ou des faits qualifiés infraction après l’âge de 16 ans et avant l’âge de 18 ans. En ce cas, le jeune est assimilé à un adulte et une peine peut être prononcée à son égard (emprisonnement ou autre). Les conditions sont strictes, examinées par le tribunal à l’audience publique, et sur réquisitions du ministère public.

Le jeune, ses parents ou le parquet peuvent faire appel du jugement ou des ordonnances prises par le juge dans les délais stricts prévus par la loi (48 heures à 30 jours selon la mesure prise et la phase dans laquelle elle est prise). L’appel se fait généralement au greffe du tribunal de la jeunesse qui a pris la mesure.

C’est le même juge de la jeunesse qui suit le dossier du jeune et qui peut, à tout moment, réviser la mesure dans l’intérêt du mineur.

La révision est obligatoire annuellement pour les mesures au fond. Les mesures d’éloignement du milieu de vie doivent, elles, être revues semestriellement.

Le dossier se clôturera à la majorité du jeune, sauf exception (prolongation des mesures possibles au-delà de la majorité et sous conditions). Il peut se clôturer avant la majorité si le juge estime que le jeune ne doit plus faire l’objet de mesures contraignantes du tribunal de la jeunesse.

 

2 / Quand le mineur est en danger

Depuis 1991, les mineurs en difficulté et en danger passent d’abord devant le service de l’aide à la jeunesse (SAJ).

Dirigé par le conseiller de l’aide à la jeunesse, ce service peut mettre en place des mesures d’aide avec l’accord de toutes les parties (parents, mineurs entre 12 et 14 ans assisté d’un avocat, mineur de plus de 14 ans sans avocat…). Il s’agit d’une aide spécialisée mais sollicitée, consentie, volontaire.

Cette aide volontaire peut être, par exemple et de manière non-exhaustive, une guidance psycho-sociale, la réalisation d’un bilan médico-psychologique, un soutien à la parentalité ou, si nécessaire, le placement du jeune chez un proche ou dans une institution.

Si l’aide spécialisée n’est plus nécessaire, le conseiller renvoie le dossier vers l’aide sociale générale (ex : CPAS, ONE, CPMS…).

En cas d’échec de l’aide spécialisée volontaire, parce que le jeune et/ou ses parents ne sont pas d’accord avec l’aide proposée ou ne suivent pas les mesures prévues, le service de l’aide à la jeunesse (SAJ) qui estime que le mineur reste en danger, adresse une note de synthèse au procureur du Roi, en sollicitant l’ouverture d’un dossier au tribunal de la jeunesse. L’objectif est que l’aide contraignante soit mise en place.

Le tribunal ne peut être saisi qu’en cas d’échec de l’aide volontaire (article 8 de l’ordonnance bruxelloise de 2004).

Le procureur du Roi a le monopole de la saisine du tribunal de la jeunesse.

Le juge de la jeunesse prendra toute mesure qu’il estimera utile de manière contraignante, sans avoir besoin de l’accord des parties.

Ces mesures sont les suivantes :

  • donner une directive pédagogique aux personnes investies de l’autorité parentale à l’égard du mineur ou qui en assument la garde ;
  • soumettre le jeune à la surveillance du service social compétent en lui imposant éventuellement les conditions suivantes :
    - fréquenter régulièrement un établissement scolaire d’enseignement ordinaire ou spécial,
    - suivre les directives pédagogiques et médicales d’un centre d’orientation éducative ou d’hygiène mentale,
    - avoir régulièrement un entretien avec l’assistant social compétent ;
  • ordonner une guidance familiale, psychosociale, éducative et/ou thérapeutique pour le jeune, sa famille et/ou ses familiers;
  • imposer au jeune, à sa famille ou ses familiers un projet éducatif ;
  • imposer au jeune de fréquenter un service semi-résidentiel ;
  • permettre au jeune, s’il a plus de 16 ans, de se fixer dans une résidence autonome ;
  • en cas d’urgence, placer le jeune dans un centre d’accueil ;
  • placer le jeune dans un centre d’observation et/ou d’orientation ;
  • placer le jeune dans une famille ou chez une personne digne de confiance ;
  • décider, dans des situations exceptionnelles, que le jeune sera hébergé temporairement dans un établissement ouvert approprié en vue de son traitement, de son éducation, de son instruction ou de sa formation professionnelle.

L’application des mesures devra toujours viser à restaurer le bon fonctionnement de la famille du jeune, et, à cette fin, la distance entre le lieu d’exécution de la mesure et la résidence de la famille du jeune sera limitée autant que possible, sauf dans certaines situations exceptionnelles, s’il est démontré que le bien-être personnel du jeune impose une autre solution.

A Bruxelles et en Flandre, une fois que le juge est saisi, il prend la décision et assure lui-même le suivi de celle-ci. En Région wallonne, le juge prend la décision d’imposer une aide qui sera mise en œuvre par le directeur de l’aide à la jeunesse.

Dans les cas où la sécurité psychique ou physique d’un jeune est compromise au point de nécessiter urgemment un placement hors du milieu familial (attendre la mise en place de l’aide volontaire via le SAJ est impossible), le parquet peut saisir le tribunal en vue dudit placement, sans passer par l’aide volontaire (article 9 de l’ordonnance bruxelloise de 2004).

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Pendant le placement de 30 jours (renouvelable une seule fois), le dossier est renvoyé au SAJ pour tenter de mettre en œuvre l’aide volontaire. En cas d’échec, le tribunal est saisi sur pied de l’article 8 de l’ordonnance bruxelloise de 2004. Si l’aide volontaire a pu être installée, la mesure du tribunal de la jeunesse est levée et l’aide volontaire est mise en oeuvre à l’intervention du SAJ.

Ces mesures prises pendant la phase préparatoire de la procédure ne valent que pour une période de six mois.  Les mêmes mesures peuvent être prises lorsqu’il est statué au fond.

Une révision annuelle des mesures doit avoir lieu.

 

3 / Qui défend le mineur ?

Lorsque le tribunal est saisi par le procureur du Roi pour un mineur en danger ou un mineur délinquant, le bâtonnier doit directement veiller à désigner un avocat spécialisé en droit de la jeunesse pour assurer sa défense.

Un avocat est également désigné pour assister le jeune devant le SAJ.

Cet avocat est commis d’office et doit être indépendant des autres parties aux procès (parents, famille d’accueil…). Il interviendra dans le cadre de l’aide juridique gratuite. Cet avocat assiste le jeune lors des entretiens de cabinet avec le juge ou des audiences et le représente s’il a moins de 12 ans.

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